Fan Zhendong : Secrets, Défis et Victoires du Champion Olympique de Tennis de Table

Après les Jeux Olympiques de Paris, j’ai commencé  à m’intéresser au tennis de table. Un jour je suis tombée sur l’interview de Fan Zhendong publiée dans le magazine « L’univers du tennis de table » (乒乓世界).
Dans cette interview, Fan Zhendong, médaillé et champion aux JO de Paris, partage avec sincérité les moments marquants de son parcours, ses défis personnels, et la mentalité qui l’a conduit au sommet du sport.
J’ai envie de vous faire découvrir cette interview. Je l’ai donc traduit en français. Entrez dans l’esprit de ce champion exceptionnel et laissez-vous inspirer par son parcours ! 

L'Univers du Tennis de Table, octobre 2024, No.384

Dans l’avion de retour de Paris à Pékin, Fan Zhendong se sentait plutôt serein, un état d’esprit un peu different de ce qu’il avait imaginé avant la compétition, il manquait l’excitation et l’émotion, « ce que je ressens surtout, c’est un soulagement et un sentiment de libération », dit-il. En repensant à son retour de Tokyo vers Pékin, trois ans auparavant, Fan Zhendong se souvient qu’il était complètement perdu. « C’était ma première expérience aux Jeux Olympiques et j’ai réalisé que c’était une compétition très différente de ce que j’avais imaginée », a-t-il décrit. Mais cette fois-ci, tout était différent. « Le résultat et mes sensations sur le terrain correspondaient exactement à ce que j’avais visualisé à de nombreuses reprises. C’était la quinzaine olympique telle que je l’avais imaginée. »

Tout au long du voyage, Fan Zhendong ne pouvait s’empêcher de repenser aux Jeux Olympiques de Paris : « Il y a eu de nombreux moments, de nombreux matchs, et quand j’y repense, c’était assez périlleux. » Après réflexion, il a changé le mot « périlleux » , «c’était inimitable, lorsque j’y réfléchis après avoir remporté les matchs, c’était toujours avec une perspective positive et joyeuse ».

Fan Zhendong se rappelait chaque petit détail des matchs : un choix tactique, et même très précisément de certains points. Il se demandait parfois : « Si j’avais pris une autre décision à ce moment-là, quel aurait été le résultat ? »

Il sourit et dit : « On analyse toujours retrospectivement le parcours par le biais du résultat. Je réalise qu’en réalité, chaque décision qui me paraît correcte aujourd’hui était probablement un changement, un choix que je me suis efforcé de suivre à ce moment-là. Chaque choix que j’ai fait face aux difficultés, je pense que c’était un défi personnel. Dans les compétitions olympiques, il est presque impossible de vaincre un adversaire sans efforts acharnés. Les deux joueurs se connaissent très bien. Il faut donc déstabiliser l’adversaire et dépasser mon propre potentiel pour faire pencher la balance de mon côté. Souvent, il fallait que je fasse ce que je ne maitrisais pas. J’ai relevé le défi, même sans être sûr de pouvoir me surpasser, et ce courage, je trouve que c’est déjà remarquable. »

Les deux médailles d’or, en simple et en équipe, témoignent le courage de Fan Zhendong d’avoir pris des risques et révélé les défis, « ça me procure une immense joie ».

Après avoir repensé à tout cela, Fan Zhendong a poussé un long soupir de soulagement : « Un long cycle olympique s’est achevé. » En réalité, le cycle des Jeux de Paris a été plus court d’une année par rapport aux Jeux précédents, et encore plus court de deux ans comparé au cycle tumultueux des Jeux de Tokyo. Pourtant, Fan Zhendong l’a ressenti comme très long. « Au cours de ces trois années passées, j’ai vécu de nombreux hauts et bas, avec des moments de chances et d’attentes. Cela a donné cette impression que le temps était interminable . C’est comme cette fois-ci, entre la demi-finale et la finale en simple, il y avait seulement une journée, mais j’avais l’impression d’avoir attendu une année. »

Avant le début des Jeux Olympiques de Paris, Fan Zhendong ne considérait pas cette compétition comme une percée majeure qu’il devait accomplir à tout prix. « Je voulais simplement bien jouer, disputer un match pleinement satisfaisant. » Se donner à fond, se libérer complètement, est-ce l’une des significations de l’expression “Last Dance” qu’il avait utilisée en partageant la liste des joueurs aux JO sur le réseau social Weibo ? Il a répondu : « Ce n’est que la signification la plus superficielle. »

Fan Zhendong continue de raconter ses sentiments avec beaucoup de calme : « Jusqu’à présent, je peux diviser mon état d’esprit en deux phases, avant et après les Jeux Olympiques de Tokyo. Avant les Jeux de Tokyo, j’avais remporté de nombreux titres de vice-champion. J’avais réussi de belles performances, mais pour moi, ne pas décrocher le titre de champion signifiait un échec. J’avais tendance à nier entièrement mes efforts et mes sacrifices en fonction des résultats. Mais avec l’accumulation des matchs et des expériences, j’ai commencé à réfléchir. J’ai appris à adopter une attitude d’auto-appréciation pour faire face au cycle de la préparation des Jeux de Paris, à apprécier mes points forts. Même lorsque j’étais confronté à des échecs, des coups durs ou lorsque j’avais le sentiment de mal agir, j’ai accepté le résultat. Je m’acceptais et m’appréciais,  j’appréciais mon courage de continuer à relever les défis. »

Fan Zhendong a déclaré que c’est au moment où il a pu mettre de côté les jugements extérieurs et entendre clairement sa propre voix intérieure que la liste des participants aux Jeux Olympiques de Paris a été annoncée. En partageant cette nouvelle sur le réseau social Weibo, il a pensé : « J’ai l’opportunité de participer aux Jeux Olympiques de Paris, alors je veux aborder cette compétition comme si c’était mes derniers Jeux Olympiques, voire même ma dernière compétition. Je ne veux pas me tourmenter sur la question de savoir si je vais bien jouer ou si je vais gagner le titre de champion, mais simplement me libérer de toute crainte et me montrer tel que je suis ! » Il a ajouté : « Je vois les Jeux Olympiques de Paris comme une renaissance, ainsi qu’une opportunité d’aller au-delà de moi-même. »

Fan Zhendong, la signification de la médaille d’or des Jeux Olympiques : j’ai vaincu moi-même

Je suis plus fort que tout le monde imagine 

« L’univers du tennis de table » : La ville de Paris a une grande signification pour toi : tu y as commencé ta carrière lors du Championnat du monde et c’est également à Paris que ta série de trois victoires consécutives à la Coupe du monde a débuté. Avant ton départ pour les Jeux Olympiques de Paris, est-ce que tu te donnais ce genre de suggestions mentales positives ?

Fan Zhendong : J’ai joué beaucoup de matchs, dans presque chaque ville je peux me trouver de bons signaux ou des rappels me permettant de rester vigilant. Le plus important, c’est de voir comment je perçois les choses. 

Cette fois, je suis capable de contrôler mes pensées en fonction de mon état d’esprit. Lorsque je veux être positif ou que je ressens le besoin de me mettre un peu de pression, je peux faire cette transition assez aisément, sans me laisser enfermer dans une seule pensée. Je considère que c’est le plus important. »

« L’univers du tennis de table » :  À quoi pensez-vous le plus avant un match ? 

Fan Zhendong : Je voulais simplement bien jouer, me donner à fond et disputer un match pleinement satisfaisant. Je me rends compte qu’avant les Jeux Olympiques de Paris, cela faisait un moment que je n’avais pas réussi à jouer un match avec cet état d’esprit. Parfois, je ressentais même une certaine souffrance en jouant. Seul le championnat de Chongqing, juste avant l’entraînement à huis clos pour préparer les Jeux Olympiques de Paris, m’a fait sentir un peu mieux. Mais même à ce moment-là, je n’étais pas sûr de pouvoir retrouver cet état à Paris. Donc, avant la compétition, mon objectif était assez simple : je voulais juste éviter de ressentir des regrets une fois les matchs terminés.

« L’univers du tennis de table » : Comme tu l’as écrit sur le réseau social Weibo, « la dernière danse », cela inclut aussi l’idée de « se donner à fond et disputer un match sans retenue » parmi les multiples significations ?

Fan Zhendong : Oui, c’est ça. De mon point de vue, j’ai mis de côté beaucoup d’attentes et de projections concernant les résultats. J’ai réussi à me détacher largement des opinions extérieures sur mes victoires ou mes défaites.

Je voulais simplement considérer cette compétition comme mes derniers Jeux Olympiques, ou même ma dernière compétition. Ne pas espérer, ne pas envisager, je ne voulais pas laisser errer mes pensées, voire laisser mon cerveau mouliner pour savoir si je pouvais bien jouer et si je gagnerais le titre de champion, je voulais me libérer et me montrer sans crainte. Je considère simplement ces Jeux Olympiques comme une renaissance et une opportunité d’aller au delà de moi-même. 

« L’univers du tennis de table » : Avec cet état d’esprit, l’entrainement à huis clos de la préparation pour Paris a-t-il été différent des précédents ?

Fan Zhendong : En réalité, dans l’ensemble, c’était à peu près pareil, mais cette fois, l’entraînement s’est bien passé, et j’étais plus serein. Je sais que pendant la préparation, qu’on s’entraîne bien ou moins bien, il y a toujours des aspects qui peuvent susciter des inquiétudes ou de l’insatisfaction. Quand on est en bonne forme, on peut craindre d’atteindre son pic trop tôt, et si l’on est en mauvaise forme, on s’inquiète de ne pas réussir à se mobiliser. Une fois que j’ai compris cela, mes émotions sont devenues plus stables. Même lors du dernier sprint de préparation en France, je suis resté calme, sans chercher à me contrôler de manière excessive, en me concentrant simplement sur ce que j’avais à faire chaque jour, j’étais dans un état de stabilité. Honnêtement, j’étais pleinement focalisé sur ce que j’avais à faire, sans me laisser perturber par des émotions parasites que je n’arrivais pas à dissoudre dans mon esprit.

« L’univers du tennis de table » : Comment parviens-tu à te détacher et à rester serein ?

Fan Zhendong : Je pense que je suis plus fort que ce que les autres imaginent. Peut-être que beaucoup de gens pensent que j’ai absolument besoin de ce titre de champion olympique en simple ou de réaliser un Grand Chelem pour prouver ma valeur, mais moi, j’ai une vision plus juste de qui je suis. Je me suis dit, et je me le suis répété plus d’une fois : « Même si tu ne remportes pas ce titre en simple, tu es formidable. » Ce que les autres disent peut changer en fonction de mes résultats, mais ce que je me dis à moi-même reste toujours le même : « Tu es formidable. »

« L’univers du tennis de table » : Les résultats n’affecteront pas l’image que tu as faite de toi-même ?

Fan Zhendong : Non, c’est quelque chose sur laquelle j’ai beaucoup réfléchi.  Après les Jeux Olympique de Tokyo, j’ai commencé à réfléchir progressivement à ces questions. 

Jusqu’à présent, je dirais que je peux diviser ma carrière sportive en deux phases d’un point de vue de mon état d’esprit, en prenant les Jeux de Tokyo comme point de bascule. Avant, j’étais plus centré sur les résultats. Par exemple, quand j’ai perdu au Championnat du monde de Düsseldorf en 2017 ou aux Jeux Olympiques de Tokyo, je considérais ces expériences comme des échecs. Maintenant, après avoir vécu de nombreuses victoires et défaites, je me comprends mieux. Bien sûr, les honneurs sont le but de tout le monde, mais tant que j’ai tout donné et fait de mon mieux, même si je ne gagne pas le titre, cela ne signifie pas que je n’ai pas réussi.

Quand j’étais mené 0-2, c’était vraiment dur

« L’univers du tennis de table »: Dans une interview après ton retour de Paris, tu as dit avoir ressenti de la  « peur » en repensant au quart de finale en simple contre Harimoto. As-tu éprouvé ce sentiment sur place à Paris ou après être rentré au pays ?

Fan Zhendong : C’est un sentiment que j’ai éprouvé après être rentré au pays, je n’y avais pas pensé pendant les Jeux Olympiques. Pour moi, chaque match est tout à fait normal. Ce que je dois faire, c’est de le terminer dans mon état habituel.

« L’univers du tennis de table » : En parlant du match contre Harimoto, que s’est-il passé pour être mené 1-9 dès le premier set ? »

Fan Zhendong : Les matchs avant celui-ci se sont déroulés de manière plutôt normale. Avant le quart de finale, j’avais jugé que le niveau de confrontation allait considérablement s’élever, je me suis bien préparé. J’ai pensé à beaucoup de choses de manière assez détaillée, y compris la préparation tactique, ainsi que le fait d’apporter plusieurs tenues de rechange. J’ai vraiment prêté attention aux moindres détails.

Harimoto a très bien joué dès le début du match. De mon côté, j’avais eu une mauvaise perception et sensation sur le déroulement de la rencontre, en particulier pour remettre ses services, domaine dans lequel j’ai clairement commis des erreurs. En y repensant, toutes mes remises étaient incorrectes. D’autres aspects n’ont pas bien fonctionné non plus, par exemple : j’étais constamment hésité sur l’équilibre entre l’agressivité et le contrôle, mon taux de réussite était faible, je pense que tout cela était dû à la pression exercée par la performance de Harimoto. Cela dit, pour être honnête, je me sentais assez bien après le premier set, parce que le match venait juste de commencer, et il y avait encore de la marge pour revenir, je dirais que je me suis préparé à être mené au début, cependant je ne m’attendais vraiment pas à être mené 2-11, et bien sûr, j’aurais voulu marquer quelques points de plus.

« L’univers du tennis de table» : À quel moment, même en étant mentalement préparé, ressens-tu quand même de la difficulté ?

Fan Zhendong : C’est en perdant le deuxième set, surtout lorsque nous étions à 9-9, Harimoto a marqué quelques beaux points pour me faire perdre ce set, que j’ai vraiment commencé à me sentir mal. Ce qui était pire que d’être dominé dans le match, c’était d’avoir le sentiment que la situation m’écharpait. À ce moment-là, j’ai changé de maillot et réajusté mon état d’esprit et ma stratégie. Même si je ne savais pas si cela fonctionnerait, il fallait absolument casser le rythme pour espérer un retournement de situation, car continuer de jouer comme lors des deux premiers sets n’aurait rien donné. Dans le troisième set, j’ai commencé à changer et à essayer de nouvelles choses. Après l’avoir gagné, tout est devenu plus normal, ou disons que j’étais vraiment dans le match.

« L’univers du tennis de table » : Après avoir été mené 1-2, puis à nouveau 2-3, est-ce que la situation était normale et déjà sous contrôle à ce moment-là ?

Fan Zhendong : Oui, en fait, le moment le plus stressant a été quand j’étais mené 0-2. Ce n’étais pas seulement le score, mais aussi le fait que je n’arrivais pas à jouer comme je le voulais, je ne me sentais pas bien dans l’ensemble. Cependant lorsque le score est passé à 2-3, j’avais déjà retrouvé mes repères, tant sur le plan mental que tactique. J’ai pu utiliser les stratégies que j’emploie habituellement, ce qui a permis de chasser le stress. Ce n’était pas un stress dû à l’incapacité de bien jouer, mais plutôt parce que j’avais trouvé une certaine clarté, je savais comment gérer la situation. Ce que j’ai bien fait à la fin, c’est que j’ai pu mieux maîtriser mes capacités globales dans l’ensemble, ou on peut dire que j’ai géré mieux qu’avant mon état d’esprit pendant le match.

Quand je repense au Championnat du monde de tennis de table par équipes à Chengdu en 2022, j’avais aussi joué jusqu’au set décisif, jusqu’à la belle, contre Harimoto, et à la fin je n’avais pas tenu le coup. Bien que ces deux matchs n’aient pas de lien direct, j’ai fait quelques associations en les analysant après coup. Les expériences acquises lors de chaque match ne se réutilisent pas forcément dans le suivant, mais elles contribuent à former un schéma de pensée dans mon esprit, me permettant de développer une méthode pour résoudre les problèmes.

« L’univers du tennis de table » : Les trois maillots ont-ils été préparés spécialement pour ce match au niveau de confrontation élevée ? 

Fan Zhendong : Parce que je transpire beaucoup (rires). En fait, l’idée d’apporter des maillots supplémentaires ne date pas de ce match; dans le passé, après avoir joué jusqu’au sixième ou septième set, mes deux maillots étaient toujours complément trempés. Si je me préparais à un match difficile, je devrais apporter trois maillots pour éviter de me retrouver sans rien de sec, de me sentir inconfortable ou ralenti par la transpiration. Ce n’est donc pas une préparation de dernier moment pour ce quart de finale. 

« L’univers du tennis de table » : Le geste de célébration après avoir battu Harimoto était-il improvisé ?

Fan Zhendong : Je n’avais vraiment pas prévu à l’avance. Au cours de l’année passée, je l’ai tellement vu et connu qu’il m’est venu naturellement. Lors des Championnats du monde de tennis de table à Pusan, j’avais fait le même geste, qui, je trouve, correspondait bien à mon état d’esprit à ce moment-là.

« L’univers du tennis de table » : Donc, les gestes de célébration après la demi-finale et la finale étaient-ils réfléchis à l’avance ?

Fan Zhendong : Pour la demi-finale et la finale, j’y effectivement réfléchi. D’habitude, je n’envisage pas ces choses-là, par crainte de me déconcentrer. Mais cette fois-ci, j’ai senti que prendre un moment pour y penser ne m’empêcherait pas de rester focalisé sur le préparatif et sur le match. Au contraire, cela m’a donné de la force, et m’a aidé à aborder le match avec plus d’enthousiasme.

La signification que j’attribue à cette médaille d’or en simple, c’est que j’ai triomphé de moi-même 

« L’univers du tennis de table » : Lors de la demi-finale contre le Français Félix Lebrun, as-tu éprouvé la même sensation que ton club préféré, le Real Madrid, lorsqu’ils jouaient à l’extérieur ?

Fan Zhendong : Oui. Dans les premiers jours de la compétition du simple masculin, même si je n’ai pas affronté aux joueurs français, j’entendais toujours les clameurs des spectateurs français, ils chantaient et tapaient des pieds, ils soutenaient chaleureusement les athlètes français. À ce moment-là, j’ai vraiment eu le sentiment de jouer un match à l’extérieur.  

« L’univers du tennis de table » : Tu dis souvent que regarder les matchs du Real Madrid te procure du courage, que tu ressens précisément ?

Fan Zhendong : Je pense que le cycle de préparation aux Jeux Olympiques de Paris est vraiment très long, et j’ai traversé de nombreuses fluctuations de mon état d’esprit tout au long de ce parcours. Si j’analysais les problèmes en restant dans mon domaine sportif, je tournerais rapidement en rond. 

Je sais ce qu’il faut faire, et mon entourage m’aide en analysant les choses et en me donnant des conseils, mais quand je ne suis pas dans mon meilleur état d’esprit, je n’arrive tout simplement pas à les appliquer.

Dans ces moments-là, je regarde d’autres sports et observe comment les athlètes d’excellence d’autres disciplines agissent, ce qui me permet de trouver des points communs. Observer leur réussites me motive à produire un effort supplémentaire, à essayer encore une fois. Regarder les matchs du Real Madrid m’apporte ce genre de sensation : Ils parviennent à créer des retournements de situations incroyables même lorsqu’ils ne sont pas favoris. Ils montrent de façon vivante comment surmonter l’adversité, et cela me touche profondément et m’inspire énormément.

« L’univers du tennis de table » : Tu fais le lien entre les difficultés auxquelles tu étais confronté et les matchs qui t’ont inspiré. Après la victoire de la demi-finale contre Félix Lebrun à Paris, tu as fait le même geste (« Calma ») que celui de Ronaldo pour célèbrer son but au Camp Nou, le stade du FC Barcelone le club rival du Real Madrid.  Quel était alors ton état d’esprit ?

Fan Zhendong : Je pense que j’ai vraiment apprécié ce moment, j’ai livré un match exceptionnel, et j’ai choisi d’exprimer mon émotion avec un geste qui m’avait autrefois inspiré et motivé. 

« L’univers du tennis de table » : Avec quel état d’esprit que tu as passé la journée entre la demi-finale et la finale ? 

Fan Zhendong : La journée s’est plutôt bien passée. Mais le matin de la finale, en me préparant à partir, j’ai trouvé que le temps d’attente devenait un peu long, ce n’était pas simplement dû au stress, c’était un mélange d’émotions. Même si j’ai suivi ma routine habituelle de préparation, le temps semblait passer plus lentement que d’habitude.   

« L’univers du tennis de table » : Après avoir remporté la finale et le titre de champion olympique en simple masculin à Paris, penses-tu avoir atteint ton objectif de « disputer un match satisfaisant » ?

Fan Zhendong : Il me semblerait que c’était transformé en une autre émotion et sentiment. Le moment le plus complexe était lors du cinquième set de la finale, à 9-2, Moregard m’a envoyé une balle à effet rétro que je n’ai pas réussi à attraper, en suite il est passé de 10-3 à 10-8. Pendant ce moment-là, je ressentais un mélange de bonheur, de tension, et de frustration, un tourbillon d’émotions. J’avais envie de gagner le match rapidement, mais aussi de faire durer un peu plus le match. C’est peut-être ce que l’on appelle « on veut tout avoir » (rires) : vouloir ressentir la libération d’une victoire après avoir joué jusqu’au dernier point serré, tout en espérant savourer la joie d’une large avance sur l’adversaire. Un peu complexe, en effet. Mais au moment de la victoire, tout est devenu simple, je voulais simplement chérir l’instant présent.  

« L’univers du tennis de table » : Tu as vécu des moments où, tu n’a pas pu décrocher le titre de champion malgré les attentes d’extérieures et tes propres espoirs. Cette fois, aux Jeux Olympiques, lorsque le titre de champion et les attentes se sont enfin rejoints, qu’as-tu ressenti ?

Fan Zhendong : Comme je me le suis dit avant le match, les attentes et les avis de tout le monde, ainsi que le fait de remporter ou non le titre olympique, n’ont aucun effet sur la manière dont je me perçois.

Cette fois, j’étais totalement investi dans la compétition, sans considérer le titre olympique en simple comme une percée majeure. Comme je le répète souvent dans mon dialogue intérieur, mon objectif est de bien jouer. 

Aujourd’hui, la reconnaissance et les éloges des autres restent importants pour moi, mais ils ne sont plus aussi essentiels qu’ils étaient pendant le cycle olympique de Tokyo. Bien sûr, je m’investis à fond dans chaque match, avec une envie de gagner le titre. Remporter le titre reste important, mais atteindre mon objectif qui est de « bien jouer » l’est tout autant. 

« L’univers du tennis de table » : Après la finale en simple, as-tu pris le temps d’admirer cette médaille d’or olympique ?

Fan Zhendong :  Oui, quand je suis descendu du podium, je pensais : peu importe qui me la demande, je ne la donnerais à personne (rires). Et puis, j’ai réfléchi, et je me suis dit que c’est moi qui donne un sens à cette médaille d’or et à ce titre du champion. Si je la considère comme précieuse, alors elle est unique. Pourquoi devient-on facilement nerveux et excité sur le terrain olympique ? C’est parce que tout le monde estime d’une manière générale, que ce titre du champion est très important et précieux.

Pour moi, cette médaille d’or est très précieuse, j’ai accompli ce que je voulais accomplir. Je lui donne le sens d’une victoire sur moi-même. 

Lors que la dernière balle touchait le sol, je me suis dit que j’ai écrit ma propre réponse

« L’univers du tennis de table » : Tu as vécu les Jeux Olympiques de Tokyo et de Paris. Jouer les matchs par équipes avec une médaille d’argent en simple et avec une médaille d’or, l’expérience est-elle différente ?

Fan Zhendong : J’ai trouvé  que les attentes de l’équipe envers moi et l’espace qu’elle me laissait ont  changé. Jouer les matchs par équipes après avoir remporté une médaille d’or en simple, c’était une première fois pour moi. À Tokyo, après la défaite en finale du simple, il a fallu que je me réajuste pour les matchs par équipes. À ce moment-là, j’ai senti que tout le monde comprenait bien mon état d’esprit, et me laissait beaucoup de liberté; tant que je gagnais mes matchs, on considérait que j’avais fait de mon mieux. Cette fois à Paris, j’ai trouvé que les attentes qui pesaient sur moi étaient beaucoup plus élevées. En tant que seul joueur qui entre sur le terrain pour le deuxième match, mon rôle était d’élargir notre avance ou de redresser la situation, je n’avais aucune raison de ne pas tenir le coup, et c’était là le défi pour moi : bien gérer cette pression pour qu’elle ne m’affecte pas.

« L’univers du tennis de table » : Quels changements as-tu ressenti dans ton état d’esprit ?

Fan Zhendong : J’ai senti plus de stress en jouant les matchs par équipes qu’en simple, parce que nous représentons l’équipe de la Chine, et chacun de nous ne souhaitait pas introduire l’incertitude pour l’équipe dans son match, et c’est encore plus vrai pour moi. Après la finale du simple, j’avais vraiment envie de bien performer dans les compétitions par équipes. 

« L’univers du tennis de table » : Dans une interview après un match par équipes, tu as mentionné que « tu te sentais mieux aujourd’hui qu’hier », cherchais-tu aussi à retrouver tes sensations et ton état de forme, voire à te mobiliser de nouveau match après match ?

Fan Zhendong : Je pense que oui. Le match par équipes se joue au meilleur des 3 sets, notre entraineur et nos camarades nous regardent et nous encouragent, ce format et cette dynamique de soutien changent l’atmosphère et l’ambiance sur le terrain. Selon moi, se mobiliser de nouveau, que ce soit après une médaille d’or en simple ou celle d’argent, l’objectif reste le même : gagner le match. 

« L’univers du tennis de table » : Après avoir terminé la compétition par équipes masculin aux Jeux Olympiques de Paris, considères-tu que ce parcours des Jeux Olympique de Paris était parfait ? 

Fan Zhendong : C’est une question qui mérite réflexion. Nous cherchons tous la perfection et en avons l’attente, mais qu’est-ce que la perfection ?  S’agit-il de collectionner chaque titre de champion comme des pièces de puzzle ? Ce n’est pas seulement ça, je pense. Tant que je resterai sur le terrain, cette perfection n’existera pas, parce que je vais certainement continuer à avancer. 

Lorsque j’étais petit, après avoir terminé un match, je réfléchissais et je me demandais sur quoi je pouvais progresser pour bien jouer un match, et en quoi les résultats pouvaient m’aider. Maintenant, avec l’âge et l’expérience, la profondeur et le contenu de ma réflexion ont évolué. Je peux sortir du match et du résultat, pour planifier de manière plus raisonnable mon chemin à venir. 

La fin de chaque parcours est suivie par un nouveau choix à faire.  De l’extérieur on pourrait penser que les Jeux Olympiques sont l’aboutissement de mes objectifs et de mes rêves, au contraire, ces Jeux Olympiques représentent plutôt un nouveau départ pour moi. Que j’aie atteint ou non ce que l’on appelle la « perfection », ce parcours n’est qu’un point de départ.

« L’univers du tennis de table » : La première fois que tu nous as dit « Ne m’appelez plus petit Pang, désormais je suis grand Dong », c’était pendant la préparation aux Jeux Asiatiques de 2018 à Jakarta, où tu as mené l’équipe en tant que joueur le plus expérimenté pour le tournoi par équipes. As-tu déjà rêvé de mener l’équipe aux Championnats du Monde de tennis de table et aux Jeux Olympiques ?

Fan Zhendong : Je pense que cela fait partie de l’évolution des joueurs. Quand j’étais petit, j’ai suivi les joueurs les plus expérimentés en compétitions, et je souhaitais grandir vite pour être à leur niveau. Et maintenant que j’ai grandi, je souhaite garder cet état d’esprit audacieux et insouciant de la jeunesse.

Pour revenir à la question, après toutes ces années de compétitions, je pense qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un positionnement absolu dans les matchs par équipes. Quand on est sur le terrain, Il faut tout simplement trouver les moyens de gagner et contribuer par ses efforts à la victoire de l’équipe.  

« L’univers du tennis de table » : Si tu devais choisir un moment pour décrire les Jeux Olympiques de Paris dans leur ensemble, y compris tout le cycle olympique de Paris, lequel choisirais-tu aujourd’hui ? 

Fan Zhendong : Si je devais choisir un moment essentiel, ce serait le moment où la dernière balle du match a touché le sol aux Jeux Olympiques de Paris. C’est ma réponse, et c’est une très belle réponse. 

Mais si je devais décrire un moment inoubliable, je penserais davantage à celui où j’ai rencontré des hauts et des bas. C’est dans ces moments-là que j’ai pu comprendre ce que je pouvais faire, ce que je pouvais clarifier pour moi-même. Chaque instant dans mon parcours était inoubliable, sans eux, je ne serais pas celui que je suis aujourd’hui.

Les moments de gloire où un athlète obtient de bons résultats peuvent marquer les esprits de beaucoup de gens, voire de toute une époque, mais pour moi, ce n’est pas tout à fait pareil. Les instants où j’ai conscience de mon véritable potentiel, où j’ai appris à mieux me connaitre et à me comprendre, sont bien plus précieux à mes yeux. 

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